Un combattant tenace et invaincu
Fils d’un paysan aisé, Mao Zedong grandit dans une Chine humiliée par les puissances occidentales.
Militant communiste de la première heure, et héros populaire de la , Mao Zedong est élu dirigeant suprême du en février 1935.
Victorieux des armées de l’envahisseur japonais (1945), comme de celles de l’armée nationaliste de , Mao proclame la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949, à Pékin. Il apparaît désormais comme l’instigateur de l’indépendance nationale de la Chine.
Mao estimait que la Chine était comme un atome qu’il fallait faire éclater. Cette destruction marquerait la fin d’une ère ancienne. Et l’énergie populaire ainsi libérée donnerait une force formidable à la Chine, lui permettant d’accomplir des tâches inespérées. Pas de restauration progressive de l’équilibre. Au contraire, changements radicaux et permanents étaient désormais de mise. Le avait abouti à l’humiliation de la Chine, tout comme le relatif désintérêt pour les affaires militaires. Mao pourfendrait le premier et, s’agissant des forces armées, procéderait à une militarisation inédite de la société chinoise. Là où la Chine ancienne révérait le passé et admirait son héritage littéraire et culturel, Mao se dresserait contre les arts et les lettres, autant de « vieilleries », et la culture, devant être révolutionnée.
Le dictateur de parti unique
Surnommé le « Grand Timonier », l’inspirateur du impose une dictature du parti unique, érigée sur le collectivisme communiste et le culte de la personnalité. Soucieux d’une « voie chinoise vers le socialisme », il initie (1958-1960), une politique économique désastreuse qui se solde par des millions de morts et des famines à la chaîne. Les troubles furent accompagnés par l’aggravation du .
Afin de se maintenir au pouvoir, il sacrifie la jeunesse chinoise au cours de la violente (1966-1969). Une nouvelle épreuve dont le pays sort exsangue.
Le promoteur de l’entrée de la Chine dans le concert des grandes nations
La République populaire de Chine a eu des rapports au monde souvent très variés.
Lors de sa naissance au monde, en 1949, la nouvelle République a d’abord cherché à s’affirmer comme un Etat souverain dans le monde socialiste et à assurer sa sécurité. C’est à cette double priorité que répondit la signature du traité d’alliance sino-soviétique du 14 février 1950. La première décennie de la politique étrangère chinoise a été marquée par son appartenance au camp dirigé par l’URSS.
Pourtant, la Chine n’avait pas vocation à rester dans l’ombre de cette superpuissance. Elle aspirait à redevenir l’Empire du Milieu, fût-ce sous une forme nouvelle, communiste et totalitaire. Bientôt se profila donc à l’horizon le grand schisme, un conflit sino-soviétique d’abord de nature idéologique et politique, qui généra un affrontement stratégique et militaire.
L’offensive chinoise fut finalement dirigée contre les deux superpuissances américaine et soviétique, alors même que la multipolarité naissante poussait d’autres nations à entretenir de meilleures relations avec le Bloc adverse. Dans cette deuxième phase, qui culmina avec la Révolution culturelle, la Chine finit par s’enfermer dans un splendide isolement. Il se traduisit par des ruptures de relations diplomatiques en cascade.
D’où, à partir de 1969-1971, un virage marqué par le spectaculaire rapprochement avec les Etats-Unis, l’entrée dans la diplomatique triangulaire de la Détente et, plus généralement, une réouverture au monde. Ainsi, la décennie 1970 s’ouvre par l’admission de la République populaire de Chine aux Nations unies en 1971, et fut marquée par la normalisation des rapports avec les États-Unis, le Japon, l’Europe occidentale et divers Etats pro-occidentaux du Tiers monde.
Après Mao, l’utopie communiste détrônée
La mort de Mao, le 9 septembre 1976, puis la progressive prise de pouvoir de Deng Xiaoping constituent un aggiornamento des fondements de la politique étrangère chinoise. Le pays s’ouvre à la modernisation économique, avec l’ouverture aux technologies et aux capitaux étrangers et une production destinée à l’exportation. Désormais, la conduite des affaires de la Chine avec le reste du monde est subordonné à cet impératif d’efficience économique, résumé par la formule de Deng Xiaoping, « Qu’importe que le chat soit blanc ou noir, du moment qu’il attrape des souris ». La Chine va donc adopter une politique étrangère pragmatique et opportuniste, dont les prémisses sont d’ailleurs à trouver dans le virage du début des années 1970 et la rupture avec la tentation utopique.
Origines du Parti communiste chinois
Mao n’était pas présent lors de la fondation du Parti communiste chinois, à l’été 1921. Réunis dans la concession française de Shanghai, cinquante-sept délégués participèrent à cette fondation, suivie de près par Moscou et les émissaires de l’Internationale communiste. Ce sont ces derniers qui poussent les communistes chinois à conclure un accord avec le Guomindang, aux termes desquels les communistes adhèrent, à titre individuel, au Parti. Mao était un proche de Chen Duxiu, un des plus grands intellectuels marxistes chinois et dirigeant du Parti communiste nouvellement créé. Toutefois, selon l’expression de ses biographes Jung Chang et Jon Halliday, Mao avait encore à cette époque « la foi des tièdes ». Celle-ci s’affermit progressivement, tandis qu’il se persuadait, en même temps, de l’absolue nécessité d’avoir recours à la violence pour établir la révolution. C’est de 1927 que date sa fameuse expression « La révolution n’est pas un dîner de gala ». Par cette phrase, Mao justifia le recours à la violence et proclama devant les chefs du mouvement paysan du Hunan, sa province natale, qu’il fallait instaurer un régime de terreur dans chaque comté. Lorsque Tchang Kaï-chek décida, en cette même année 1927, de purger le Guomindang de ses éléments communistes, dont Mao, ce dernier décida de s’appuyer sur le Parti communiste chinois et les Soviétiques pour parvenir à ses fins.
Affiche chinoise : "1000 ans de vie au président Mao".
Le maoïsme
Le maoïsme est une conception particulière du marxisme selon laquelle le potentiel révolutionnaire de la paysannerie serait supérieur à celui de la classe ouvrière. La grandeur de la Chine et l’avènement d’une société égalitaire par le moralisme et le volontarisme y constituent des objectifs de premier plan. Henry Kissinger a souligné à la fois les ruptures et les continuités que l’accession de Mao signifia pour l’Histoire de la Chine. Rupture car, pour la première fois, les nouveaux dirigeants entendaient rejeter le système de valeurs de la société chinoise dans son ensemble.
Auparavant, à l’issue de temps de troubles, la dynastie sortante était considérée comme ayant perdu le Mandat céleste. La Nouvelle dynastie, en parvenant au pouvoir, le regagnait et rétablissait l’Harmonie. La tradition passait par la sinisation, le recours à la tradition. Les nouveaux maîtres de la Chine, Mongols, Han ou Mandchous, reprenaient l’administration de leurs prédécesseurs, pour gouverner un pays plus peuplé et plus prospère que tout autre. Le confucianisme était la doctrine établie de la Chine, qui prônait l’harmonie universelle. Sur la scène intérieure comme sur la scène extérieure, Mao sembla répudier le confucianisme. Il privilégia l’affrontement et le désordre permanents. Mao déclencha crise après crise, campagne après campagne, comme pour purifier la Chine, quitte à l’épuiser. A l’issue de son mandat, la Chine était devenue, à son tour, une grande puissance, non sans que chacun ou presque, ait dû en souffrir les conséquences. Même les plus proches compagnons de Mao, Zhou Enlai, par exemple, furent victimes de purges et durent procéder à leur autocritique. Quand à Deng Xiaoping, il n’arriva au pouvoir, après la disparition de Mao, qu’après avoir été à plusieurs reprises mis à l’écart.
Insigne et portrait de Mao Zedong, fait pendant la révolution culturelle. Années 1960
La Longue Marche (1934-1935)
Les insurrections lancées par les communistes dans les années 1920 leur ont permis d’établir des bases révolutionnaires dans le sud de la Chine. Le 7 novembre 1931, elles furent regroupées en une République soviétique chinoise située dans la province du Jiangxi. Mao en prit la tête, en tant que Président du Comité exécutif du gouvernement de la « République soviétique chinoise ». Il conserva son poste de Commissaire politique de l’Armée rouge. En réaction, les forces nationalistes de Tchang Kaï-chek lancèrent pas moins de cinq « campagnes d’extermination ». La cinquième, mobilisant près de 700 000 hommes, infligea de lourdes pertes aux troupes communistes. Elles durent se résoudre à abandonner leur base du Jiangxi et, forçant le siège, 100 000 hommes entamèrent la « Longue marche » vers l’Ouest et le Nord, le 15 octobre 1934. Une année plus tard, ce sont seulement 7000 hommes qui parvinrent dans la province septentrionale du Shanxi, où Mao installa le cœur de sa nouvelle base à Yannan. Au terme de ces pérégrinations d’une année, la figure de Mao était singulièrement renforcée. D’abord, il avait supplanté ses rivaux et pris la tête du Parti communiste, en assumant les postes de Président du Bureau politique, du Secrétariat du Parti communiste chinois et du Conseil militaire révolutionnaire. Ensuite, les évènements tragiques qui scandèrent la Longue Marche et les pérégrinations révolutionnaires des hommes de Mao à travers le pays constituèrent désormais un véritable mythe sur lequel pouvaient s’appuyer les communistes. Enfin, à Yannan, Mao disposait d’une base plus sûre, dans laquelle il put consolider le mouvement communiste, reconstituer l’Armée rouge et prendre la décision de lancer ses troupes contre les Japonais, tout proches. Bref, donner une légitimité nationale à l’expérience révolutionnaire.
L'Armée Rouge chinoise pendant la Longue Marche. Octobre 1934-1935.
Le confucianisme
Le confucianisme est une des plus influentes doctrines philosophiques, morales, politiques et religieuses de Chine, prônant l’harmonie universelle. Elle s’est développée pendant plus de deux millénaires à partir de l'œuvre attribuée au philosophe Kongfuzi, « Maître K'ong » 孔夫子 (551-479 av. J.-C.), connu en Occident sous le nom de Confucius.
Confucius, philosophe chinois, effectuant une libation. Peinture sur soie chinoise, XVIIIème siècle.
Turin, Musée d'Anthropologie.
Le Temple de Confucius à Pékin (Chine).
Dessin de Thérond, vers 1870.
Tchang Kaï-chek
Né en 1886 à Ningpo, dans la province du Zhejiang, Tchang Kaï-chek entra, après des études classiques, à l’Ecole militaire de Baoding, puis effectua un stage de perfectionnement et d’application dans une école militaire chinoise. Il se joignit en 1911 au Parti républicain de Sun Yat-sen et fut envoyé par ce dernier en URSS (1923). A son retour, il organisa l’armée du Guomindang et dirigea l’académie militaire de Whampoa. Après la mort de Sun Yat-sen, en 1925, il assuma progressivement la direction du Parti. Devenu Général en chef de l’armée nationaliste, il s’opposa aux communistes et établit son propre gouvernement, dictatorial, à Nankin en 1927. L’année suivante, il devint le chef du gouvernement nationaliste. Rancunier, ambitieux, Tchang était, selon l’expression de l’historien Lucien Bianco « plus redoutable pour ses rivaux que pour ses ennemis ». Les Etats-Unis avaient fondé d’importants espoirs dans les nationalistes, accordant à la Chine un statut de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Les Américains accordaient aussi beaucoup de crédit en les forces armées de Tchang Kaï-chek, ce qui avait suscité le scepticisme et l’ironie de Churchill, lorsqu’il s’était rendu à Washington en janvier 1942. Dès novembre 1948, Tchang Kaï-chek avait envisagé la possibilité de ne pas pouvoir se maintenir sur le continent, en raison de la guerre civile. A partir de la mi-novembre, il avait commencé à préparer le transfert du gouvernement et des trésors culturels chinois vers Taiwan. A partir de mars 1949, Tchang fit aussi transférer ses dernières troupes d’élite sur l’île. Canton capitula le 14 octobre et Chongqing le 2 décembre. La plupart des membres du gouvernement nationaliste, ainsi près de 500 000 soldats et 1,6 millions de civils, se refugièrent à Taiwan. Le 10 décembre, Tchang Kaï-chek quitta par avion Chengdu, où il était venu organiser une dernière opération de résistance. Chengdu, la capitale provinciale, tomba le 27 décembre. L’ile d’Hainan fut conquise en avril 1950. La République de Chine (Taiwan et un chapelet d’îles au large des provinces du Zhejiang et du Fujian), n’occupait plus que 0,3 % du territoire national et ne semblait avoir aucune chance de survie. Pourtant, devenu président de la République de Chine, le 1er mars 1950, Tchang sut s'imposer comme un allié de poids au moment de la Guerre de Corée et des risques d'extensions de la menace communiste en Asie. Les deux crises de Taiwan, dans les années 1950, firent de la survie de l’île un des enjeux majeurs de la Guerre froide et l’assurèrent, ainsi, de la protection militaire des Etats-Unis (Traité de 1954). A la tête de Taiwan, Tchang instaura un régime autoritaire et basé sur la loi martiale. Jusqu’à sa mort, en 1975, le but utopique d’une reconquête par la force du continent ne fut jamais abandonné.
Guerre civile chinoise entre le gouvernement national et les communistes. Soulèvement après la séparation entre le Kuomintang et le Parti Communiste en 1927. Troupes du gouvernement de Tchang Kaï-chek, lors d'une assemblée. Canton (Chine), fin 1927.
Le Grand Bond en avant
Selon les termes de son propre médecin, Li Shuizi, Mao entendait être le « Staline de la Chine ». La déstalinisation entamée par Khrouchtchev le gênait, au moment même où lui-même souhaitait suivre les pas du stalinisme. Mao affirmait en privé que Khrouchtchev abandonnait le sabre, et qu’il permettait aux tigres d’attaquer les Chinois. Si les Soviétiques ne souhaitaient plus brandir le sabre, il appartenait aux Chinois de le reprendre.
Les premiers effets de la déstalinisation se firent sentir, en Chine, en encourageant la critique de l’autocratie maoïste lors du VIIIe Congrès du Parti, en septembre 1956. Mao sembla lui donner corps, quelques mois plus tard, lorsqu’il lança la campagne des Cent fleurs en février, en déclarant : « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles de pensée s’expriment ». Dès le mois de juin, il déclencha une campagne antidroitière, pour abattre les Cent fleurs. Sa stratégie avait été de laisser les « serpents sortir de leurs trous ». Maintenant que les fleurs vénéneuses étaient écloses, il pouvait les couper une à une, et en faire « de l’engrais ». Aux Cent Fleurs succédèrent le Grand Bond en Avant. Le stakhanovisme (politique tentant d'accroître la productivité par un contrôle plus sévère des travailleurs) était mis au goût du jour. Et plutôt que la planification, la militarisation de l’économie, l’organisation de la société en « communes populaires », devaient permettre de rattraper les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou encore l’URSS. Les objectifs et les moyens étaient d’abord assez vagues. Il s’agissait de se débarrasser des « idoles et des superstitions, comme de défier les lois humaines et divines. » Puis, des éléments aussi concrets dans leur forme que tragiques dans leurs conséquences furent appliqués dans un total aveuglement idéologique. Stratège aguerri et fin politique, Mao n’avait, en revanche, aucune notion d’économie. Le symbole du Grand Bond en avant s’incarna dans les « petits hauts fourneaux ». Il s’agissait d’amener l’industrie dans les immenses campagnes chinoises avec l’idée de pouvoir fondre, partout, de l’acier. Les conséquences furent catastrophiques. La population fondit jusqu’à ses ustensiles de cuisine dans ces « petits hauts fourneaux », qui ne produisirent jamais qu’un acier de très piètre qualité. Au sens propre du terme, les foyers des paysans s’éteignirent. Les cantines gratuites des communes populaires étaient censées les nourrir : marmites ou woks pouvaient être fondus. Les paysans, obnubilés par la production d’acier, délaissèrent leurs rizières. Bientôt une terrible famine s’abattit sur la Chine.
Portrait de Mao Zedong.
Le conflit sino-soviétique
Le conflit sino-soviétique ne cessait de s’approfondir, au fur et à mesure que le Grand Bond en avant faisait des victimes (le bilan s’établirait entre 16 et 27 millions de morts, le chiffre étant sans doute plus proche de la fourchette haute et certains auteurs, comme Chang et Halliday, vont jusqu’à avancer le chiffre de 37 millions de morts.) Selon Khrouchtchev, Mao avait rompu avec l’orthodoxie marxiste-léniniste. Lui même ne déclarait-il pas en 1959 qu’il voulait mêler Marx et Qin Shihuang, soit l’égalitarisme et l’autoritarisme ? Mais cette vison chinoise du marxisme aboutissait à une famine de masse. Combinée à la prétention de Mao d’affronter sans sourciller une guerre nucléaire, elle rebutait Moscou. Les Chinois répliquèrent que Khrouchtchev faisait preuve d’arbitraire et se comportait comme un tyran. Toute la relation sino-soviétique devait être réévaluée, car le maître du Kremlin avait considéré les relations entre le Parti communiste d’Union soviétique et le Parti communiste chinois, non pas comme des relations entre partis frères, mais de façon paternaliste. C’était là un premier point de divergence entre l’URSS et la Chine : celle-ci ne voulait pas être un satellite, mais bel et bien un partenaire de l’URSS. Or, non seulement elle se considérait comme étant un satellite depuis le traité de 1950, mais, de plus en plus, en réalité, la Chine souhaitait devenir le centre de la Révolution mondiale. Cette évolution était achevée en 1963, lorsque la Chine publia, en préalable à une rencontre de la dernière chance sino-soviétique destinée à aplanir les différents, un texte en 25 points, intitulé Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste international. En particulier, le texte affirmait que le Tiers Monde était devenu le cœur de la Révolution, la « zone principale des tempêtes ». A la Révolution ouvrière, prônée durant des décennies, Mao entendait substituer la Révolution des opprimés. Surtout, Pékin voulait être le centre de la Révolution mondiale de la seconde moitié du XXe siècle, ce que Moscou avait été durant la première moitié.
Mao Zedong accueillant Nikita Khrouchtchev (1894-1971), homme d'Etat soviétique, pour le 10ème anniversaire de la création de la république populaire de Chine, 1er octobre 1959.
La Révolution culturelle
La Révolution culturelle puise une partie de ses racines dans l’échec du Grand Bond en avant. Elle apparaît pour Mao comme une opportunité de purger les cadres mêmes du Parti, éliminant ainsi ceux qui pouvaient nuire à son pouvoir. C’est ainsi qu’une des victimes emblématiques de la révolution culturelle ne fut autre que le président de la République populaire de Chine, Liu Shaoqi, qui mourut dans les geôles des Gardes rouges.
Prétextant d’une dérive vers la restauration du capitalisme, Mao entendait purger le pays de ses « cadres rouges dégénérés ». En outre, la Révolution culturelle entendait faire du passé table rase. « Toute rébellion est juste » : tel était un des principaux slogans brandis par les Gardes rouges, ces jeunes fanatisés, le plus souvent venus en masse des campagnes vers les villes pour se débarrasser de toutes les « vieilleries » et « contraintes », qu'elles soient d’ordre familial, scolaire ou social.
La Révolution culturelle était très soigneusement encadrée par l’Armée populaire de Libération, dirigée par un proche de Mao, son dauphin, Lin Biao. Ce sont les services de Lin Biao qui ont, en 1964 et 1965, publié le Petit livre rouge, recueil des citations de Mao que brandirent les Gardes rouges. D’innombrables cadres furent remplacés, le plus souvent par des militaires, et envoyés en rééducation dans les campagnes, lorsqu’ils n’étaient pas, purement et simplement éliminés.
Les massacres culminèrent en 1968, avec la campagne baptisée « assainir nos rangs de classe », qui étaient de dresser l’inventaire des « ennemis de classe » tapis dans la population et les châtier. A la fin de l’année 1968, en s’appuyant sur l’armée et notamment l’Unité 8341, à la fois garde rapprochée de Mao et police politique, Mao fit renvoyer plus d’une quinzaine de millions de Gardes rouges dans les campagnes pour y bénéficier des « enseignements des paysans pauvres ». L’heure de la fin de la Révolution culturelle avait sonné. Mao bénéficiait d’un régime politique purgé et rebâti à neuf, entériné par le IXe Congrès du Parti communiste, en 1969.
La fin de la Révolution culturelle avait été hâtée par un contexte international nouveau. L’intervention soviétique en Tchécoslovaquie et l’énoncé de la doctrine Brejnev pouvaient laisser craindre à Mao une intervention soviétique en Chine.
Mao Zedong guidant le peuple chinois, avec ce slogan : "Tous unis pour obtenir de plus grandes victoires". Affiche pendant la Révolution culturelle. 1965.
Révolution culturelle chinoise. Femmes lisant le Livre Rouge de Mao Zedong, 1966-1967.